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Les dessous du panier
Les paniers furent la pièce maîtresse des dessous féminins durant le règne de Louis XV. Apparus vers 1715 en Angleterre, en Allemagne ou en France – les historiens en débattent encore aujourd’hui-, cette savante construction de fines lames d’acier ou de fanons de baleines avait pour but de faire gonfler les hanches et par réaction de rendre la taille plus fine. Comme toujours la frivolité et la jalousie des femmes de la cour pris des airs de compétition et on se retrouva en 1730 avec des robes pratiquement importables, avec lesquelles il était difficile de se déplacer, et surtout qui prenait une place énorme, au vu des portes dont on avait pas augmenté l’ouverture, des sièges dont les accoudoirs interdisaient toute assise et des théâtres qui n’avaient pas prévus l’envahissement de cette nouvelle mode.
Les adieux de Christophe Moreau
On fit des décrets pour les combattre, des pamphlets et des pièces de théâtre pour s’en moquer, rien n’y fit. Les affaires de l’état en furent même affectées comme en témoigne la petite histoire qui suit, partie de presque rien et qui faillit finir en place de grève dans les mains de l’exécuteur de la haute justice du Roi.
A partir de 1727, la fureur des paniers ne connut plus de bornes; la Reine elle-même, Marie Leczinska, la prude et la dévote, tomba dans ce travers et trouva le moyen de l’exagérer.
Marie Leckzinska en 1748 par Carl van Loo
Il en résultat un conflit qui faillit faire révolution et causa bien des insomnies au cardinal de Noailles.
On lit dans le journal de Barbier, le fidèle historien de la cour et de la ville, » On ne croirait pas que le cardinal ait été autant embarrassé par les paniers que les femmes portent sous leurs jupes pour les rendre larges et évasées. Ils sont si amples qu’en s’asseyant cela pousse les baleines et fait un écart étonnant, de sorte qu’on a été obligé de faire des fauteuils exprès. Cette mode est devenue extravagante comme tout ce qui est extrême et il est impossible de faire tenir plus de trois femmes dans de grandes loges de spectacle pour qu’elles soient un peu à leur aise. Les princesses étant assises à côté de la reine, leurs jupes et leurs paniers qui remontaient cachaient celles de sa Majesté. Cela a paru impertinent, mais le remède était difficile et, à force d’y rêver, le cardinal a trouvé la solution en imposant qu’il y ait toujours un fauteuil vide de chaque côté de la Reine, ce qui l’empêcherait d’être incommodée. On a pris pour prétexte que ces deux fauteuils étaient destinés à Mesdames de France, les jumelles Elisabeth et Henriette ses filles, qui n’avaient que quelques mois et qui étaient bien loin de se rendre au théâtre pour la première fois. »
On croirait volontiers que grâce à l’autorité d’un prétexte aussi conforme aux principes de l’étiquette royale, le cardinal de Noailles était sorti sain et sauf de cette épineuse question: il n’en fut pourtant rien. » Deux mois après, Barbier, écrivait dans son journal » L’histoire des paniers a eu des suites; comme il y a eu de la distinction entre la Reine et les princesses du sang, celles-ci ont voulu en avoir avec les duchesses, et de fait, elles ont obtenu un tabouret vide entre elles. » Les ducs prirent ombrage de cette nouvelle disposition qui reléguait leurs épouses légèrement plus loin de la Reine. Ils rédigèrent anonymement -heureusement pour son auteur- un texte très vif et très injurieux contre les princes du sang.
Ce pamphlet fit grand bruit et fut déféré à la justice et condamné au feu par arrêt du parlement en ces termes : « Attendu qu’on voit dans ce libelle infâme un écrivain sans caractère et sans nom se livrer aux égarements de son esprit, sur des faits qui se sont passés à la cour sous les yeux mêmes du Roi, ordonne que ledit libelle sera lacéré et brulé par la main du bourreau en la cour du palais, au pied du grand escalier. »
Et tout ça pour des paniers qui seront oubliés cinquante années plus tard, balayés par la révolution française….
Chronique de la Régence et du règne de Louis XV (1718-1763) ou journal de Barbier par Edmond-Jean -François Barbier
Histoire de la crinoline au temps passé par Albert de la Fizelière
Marie-Antoinette. Robe Rose Bertin.Tableau d’Elisabeth Vigée-Le brun (1778)
PS : Si vous n’êtes pas familiers des paniers, nous joignons à cet article une photo d’un des très rares exemplaires au monde, appartenant à la collection Nuits de Satin et daté de 1730/60. Il s’agit de paniers recouvert d’un jupon en voile de coton, tulle et lin. La structure est constituée de chaque côté de trois arceaux latéraux et d’un arceau transversal de renfort. Le baleinage est en acier bleui de 15 de mm de large, ses dimensions sont de 105 cm de hauteur, 90 de large et 80 de tour de hanche.
Texte ©Patrice Gaulupeau/Nuits de Satin
What lies underneath panniers
Panniers were the must of underwear under the reign of Louis XV. Created around 1715 in England, Germany or France –historians still debate over it nowadays –this item made of thin steel blades or whalebone plates was designed to exaggerate hips so that the waist would look slimmer. As could be expected, the court ladies turned this into a competition and by 1730 they were seen with dresses downright unwearable that made it impossible to move. Not to mention the space it required, which did not fit the doors entrances nor the chairs –especially those with armrests. Theatres also suffered from this overwhelming new trend.
Les adieux by Christophe Moreau
Decrees were issued to fight against them, pamphlets and plays were written to make fun of them –but to no avail. Even the State suffered from this fashion, as can be seen in the following story that almost ended up in justice:
After 1727, the panniers craze knew no limit. The Queen herself, the prude and devoted Marie Leczinska, followed the trend and even exacerbated it.
Marie Leckzinska in 1748 by Carl van Loo
It resulted in a conflict that almost started a revolution. The historian of the court, Barbier, reported in his diary: ‘You wouldn’t guess the Cardinal could have been so embarrassed by the panniers women were earing under their skirts to make them larger and flared. They are so wide, suited armchairs had to be made consequently. This fashion became excessive and soon enough, no more than 3 women could fit into a large theatre box without bumping into each other. As Princesses were seated to the Queen’s side, their skirts and panniers usually covered those of her Majesty. It was extremely rude and there was no obvious solution at first until the Cardinal came up with one, which was to always leave an empty seat at the Queen’s sides. The official reason behind it was that those two armchairs were saved for her two twin daughters, Elisabeth and Henriette, who were a few months old and weren’t about to go to the theatre any time soon.’
With such a formal and logical explanation, the Cardinal probably thought he was ridden of the matter. He couldn’t have been more wrong. Two months later, Barbier wrote: ‘The story of the panniers didn’t end there. As a distance was suddenly drawn between the Queen and the Princesses, the latter demanded to have some distance as well between them and the Duchesses. They obtained an empty stool. The Dukes took offense to this new placement that relegated their wife farther from the Queen. They wrote anonymously an angry and insulting text against the Princes. This pamphlet caused a sensation and was strongly condemned by justice.’ And all of this because of panniers that will be forgotten fifty years later, swept away with the French Revolution.
Marie-Antoinette. Bertin Pink Dress.Painting by Elisabeth Vigée-Le brun (1778)
PS: in case you are not familiar with panniers, we attach this picture of a rare model owned by Nuits de Satin dating from 1730/60. It is covered with a petticoat made of cotton, tulle and linen. Each side is made of three lateral hoops and a transversal one. The whalebones are made in steel of about 15 mm of width. The global dimensions are 105cm in height, 90 in width and 80 hip-size.
Text ©Patrice Gaulupeau/Nuits de Satin